Editeur: CERF
ISBN:9782204105552
Nb de pages: 482
http://www.editionsducerf.fr/
Devant un public choisi de 150 personnes réunies au Salon Hoche à Paris le 30 avril 2016, le Professeur italien Roberto de Mattei a présenté son dernier livre Le Ralliement de Léon XIII – L’échec d’un projet pastoral.
Basé entre autres sources sur des documents des Archives secrètes du Vatican, l’ouvrage prouve que le Pape Léon XIII a échoué dans son projet pastoral pour convaincre les catholiques français à changer leur attitude à l’égard de la Troisième République française, laïciste et anticatholique.
Selon le Pr de Mattei, le Ralliement a divisé profondément les catholiques français et ouvert un chemin catastrophique où l’Église a renoncé à l’idéal de la civilisation chrétienne pour accepter la modernité comme modèle irréversible.
La séance a été parrainée par quatre associations françaises : la Fédération pro Europa Christiana ; la Société française pour la défense de la Tradition, Famille et Propriété ; Droit de Naître ; Avenir de la Culture.
Extraits de la présentation :
« Le Ralliement à l’égard de la IIIe République française peut être considéré sous deux aspects : en tant que projet politique et comme projet pastoral. Le projet politique naît de la tentative de résoudre la Question romaine en s’appuyant sur la IIIe République pour combattre la monarchie italienne, coupable de lui avoir retiré les États Pontificaux. Le projet pastoral s’était basé sur un nouveau rapport avec la modernité : Léon XIII la combattait sur le plan philosophique mais pensait qu’il était possible de se réconcilier avec elle sur le plan politique.
« Sur le plan pastoral, le projet de Léon XIII était de convaincre les catholiques français de changer d’attitude envers la République. Les catholiques français de la fin du XIXe siècle étaient en grande partie monarchistes. Ils étaient monarchistes en tant que catholiques, et catholiques en tant que monarchistes. Leur modèle était la France de saint Louis et de sainte Jeanne d’Arc, où le roi était le lieutenant de Notre Seigneur Jésus-Christ sur Terre.
« La République s’était établie en France après la chute de Napoléon III en 1870. A partir des élections de 1877, qui avaient porté au pouvoir des gouvernements maçonniques et laïcistes, des lois avaient été approuvées, amenant l’expulsion des Jésuites, l’interdiction pour les prêtres et religieux d’enseigner dans les écoles publiques, l’abolition de l’enseignement religieux dans les écoles, l’introduction du divorce, l’obligation du service militaire pour les clercs et les religieux. Pourtant Léon XIII restait convaincu de la possibilité d’un accord entre le Saint-Siège et la classe politique républicaine. Pour lui la responsabilité de l’anticléricalisme de la IIIe République incombait aux monarchistes qui combattaient la République au nom de leur foi catholique.
« L’encyclique de Léon XIII Au milieu des sollicitudes ne demandait pas aux catholiques de devenir républicains, mais les directives du Saint-Siège aux nonces et aux évêques, provenant du Pontife lui-même, interprétaient en ce sens son encyclique de 1892. Une partie de la hiérarchie catholique en France attribua à l’encyclique un caractère d’ ‘infaillibilité’. On exerça sur les fidèles une pression sans précédent, jusqu’à leur faire croire que ceux qui continuaient à soutenir la monarchie commettaient un péché grave. Des professeurs de théologie morale arrivèrent à enseigner que les directives pontificales obligeaient sous peine de péché mortel. Des fidèles se virent refuser l’absolution pour avoir commis « le péché de monarchie ». Les catholiques et les monarchistes se divisèrent : les ralliés d’une part et les réfractaires de l’autre, comme cela avait été le cas pour le clergé à l’époque de la Constitution civile. »
L’échec du Ralliement
« Malgré l’engagement de Léon XIII et du cardinal Rampolla, le Ralliement avec la IIIe République échoua, ne parvenant pas à atteindre les objectifs qu’il s’était proposés : ni sur le plan pastoral, la cessation de l’anticléricalisme en France, ni sur le plan politique, le recouvrement des États pontificaux.
« Mais les conséquences désastreuses du Ralliement apparurent dans toute leur évidence surtout en France, au lendemain de la mort de Léon XIII. En octobre 1903, plus de 10 000 écoles tenues par des congrégations furent fermées. Le Vendredi saint de l’année 1904, on enleva les crucifix des écoles et des tribunaux, et, le 7 juillet de la même année, la République, après avoir expulsé les congrégations de l’enseignement catholique, les exclut toutes de l’enseignement libre, y compris celles qui étaient autorisées. Le 29 juillet 1904, les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège furent rompues.
« Quand arriva le 11 décembre 1906, terme prévu par la loi sur la Séparation, les mesures anticléricales furent brutalement approuvées. L’Église de France perdit un patrimoine de 450 millions de francs, soit un montant dix fois supérieur au budget annuel du culte. En outre l’Église fut privée de toute couverture juridique et se trouva dans l’illégalité face à la loi.
Parcours désastreux
« Nous pouvons dire que le parcours qui va de Léon XIII à nos jours se révèle désastreux : un chemin sur lequel on a perdu la thèse de la civilisation chrétienne et où l’hypothèse de la modernité est devenu un modèle irréversible. Entre doctrine et pastorale, théorie et pratique, il faut une intime cohérence. Cette cohérence a fait défaut dans le projet pastoral de Léon XIII, qui cherchait un accord sur le plan pratique avec ces mêmes forces et ces mêmes milieux, ennemis de l’Église, qu’il condamnait du point de vue doctrinal. Cette dissociation entre théorie et pratique mène, avec le temps, à affirmer le primat de la pratique et à considérer la doctrine comme insignifiante.
« On nous propose aujourd’hui un changement pastoral, qui emporte nécessairement un changement doctrinal. Dans un entretien à La Vie du 11 avril 2016, Mgr Jean-Paul Vesco – évêque d’Oran – a affirmé que dans l’exhortation apostolique Amoris Laetitia du Pape François, ‘rien ne change de la doctrine de l’Église et pourtant tout change dans le rapport de l’Église au monde’. C’est le projet pastoral du Ralliement appliqué à l’époque actuelle. »
Magistral, l’ouvrage du Pr de Mattei renouvelle la réflexion sur ce terrain complexe au point d’ouvrir véritablement un Titre II de l’histoire du Ralliement.