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« Leçons de Ténèbres pour le Mercredi Saint »
- 5 avril 2023
- Posté par: rédaction
- Catégorie: Evénements

« Leçons de Ténèbres pour le Mercredi Saint »
Le chef-d’œuvre de François Couperin (1668-1733).
Mercredi 5 Avril 2023, à 20h.
Basilique Notre Dame de Bon- Secours, Saint-Avold.
Ensemble : « Concert Lorrain »
Orgue et direction : Anne-Catherine Bucher
Sopranos : Claire Lefiliâtre et Laureen Stoulig-Thinnes,
L’accès à cette manifestation, organisée par la Fédération Pro Europa Christiana et l’Institut Européen de Sciences Sociales en partenariat avec le Conseil de fabrique des paroisses Saint-Nabor à Saint-Avold, est gratuit. Une quête a été faite au profit des œuvres de la basilique de Notre-Dame de Bon Secours, à Saint-Avold.
Les leçons de ténèbres
Un séjour dans la capitale française, en 1695, inspira au compositeur Sébastien de Brossard la réflexion suivante : « Tous les compositeurs de Paris, en particulier les organistes, avaient en ce temps-là, pour ainsi dire, la fureur de composer des sonates à la manière italienne…»* L’opposition entre les styles français et italien fut un thème récurrent de la musique baroque dès le milieu du 17ème siècle. La polémique était née avec l’arrivée de musiciens italiens à la Cour de France à l’invitation du cardinal Jules Mazarin (d’origine italienne) et l’apparition d’un nouveau style d’opéra – la tragédie lyrique – inventé par Jean-Baptiste Lully, compositeur florentin naturalisé français.
Chaque camp avait ses farouches partisans et la musique française trouva en Jean-Laurent Le Cerf de la Viéville son plus éloquent défenseur. Grand champion du style de Lully, La Viéville dénigrait chez les autres compositeurs, dont Couperin et Brossard, la présence d’éléments italiens : les deux styles nationaux lui semblaient « si différents qu’il [était] difficile de les unir et les mélanger sans gâter les deux. »
François Couperin s’efforça pendant toute sa carrière de prouver le contraire. Alliant les préceptes du bon goût français (phrasé mélodique naturel, refus de toute virtuosité ostentatoire, harmonie expressive, sans excès de chromatisme mais riche d’accords de 7ème et de 9ème ) aux innovations italiennes (nouvelles formes, plus de chromatismes, utilisation de séquences harmoniques pour souligner et renforcer une idée musicale, introduction d’un style instrumental plus idiomatique), Couperin créa un langage musical qu’il porta à la perfection et dont le recueil de sonates publié vers la fin de sa vie, sous le titre Les goûts Réunis, représente l’apogée. Les Leçons de Ténèbres, composées entre 1713 et 1717, étaient destinées aux moniales de l’abbaye royale de Longchamp, à l’extérieur de Paris. Les trois Leçons faisaient partie d’une série de neuf, trois pour chacun des trois jours de la Passion du Christ. Les trois premières furent imprimées. Les six autres sont malheureusement perdues.
Le texte des Leçons est tiré du livre des Lamentations de Jérémie (Ancien Testament) : le prophète pleure la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor, en 586 avant notre ère. La tradition liturgique associait ces textes aux derniers jours du Carême. Couperin s’inscrit dans une tradition typiquement française, représentée par Michel Lambert et Marc-Antoine Charpentier. Le mot ténèbres fait référence à l’obscurité qui envahissait l’église au fur et à mesure de l’extinction des bougies, au cours des Matines des trois derniers jours de la Semaine sainte. Le style français convient parfaitement au ton élégiaque des textes : chez Lambert comme chez Charpentier, les solos, duos ou trios accentuent le caractère personnel de la plainte de Jérémie. La désolation de Jérusalem devient une métaphore du Christ trahi par Judas et abandonné par ses apôtres.
Tout en observant les principes du style français, les Leçons de Couperin semblent s’appuyer sur une tradition d’écriture très expressive à deux sopranos, qui le rattache à Monteverdi (noter l’intensité des répétitions en unisson rythmique des mots : « attendite et videte » dans « O vos omnes », Troisième Leçon). La musique représente non seulement une fusion des styles français et italien mais aussi du drame expressif des tragédies lyriques de Lully et des traditions liturgiques.
La première Leçon commence par une psalmodie basée sur la formule grégorienne traditionnelle : « Incipit lamentatio Jeremiæ ». Chaque verset est introduit par un long mélisme sur une lettre de l’alphabet hébreu : Aleph, Beth, Gimel, etc. –, qui renforce l’expression dramatique du texte à venir.
Le poème acrostiche originel déclinait ainsi tout l’alphabet hébreu. La traduction latine fit disparaître cette structure mais la tradition maintint l’usage des lettres liminaires. Couperin varie les ambiances par un subtil mélange de récitatif et d’arioso. Le caractère particulièrement mélancolique de la deuxième Leçon, « Recordata est Jerusalem », est accentué par le mouvement chromatique descendant d’une basse de chaconne, procédé stylistique qui convient parfaitement aux « lamentations » musicales et se retrouve chez Monteverdi, Purcell et d’autres compositeurs. La troisième Leçon, dans laquelle les deux sopranos unissent leurs forces, est un sommet de la musique française sacrée. Les lettres de l’alphabet hébreu au début de chaque verset donnent lieu à des successions de retards harmoniques très ornés, en une sorte de représentation abstraite de l’émotion exprimée. La Leçon se termine par une exhortation passionnée à Jérusalem de « retourner au Seigneur, ton Dieu », dernier acte de pénitence alors que se répandent les ténèbres, dans l’attente du matin de Pâques.
Biographie de François Couperin (Wikipedia)
François Couperin est né le 10 novembre 1668 rue du Monceau Saint-Gervais à Paris. Il est baptisé le 12 novembre 1668 en l’église Saint-Gervais, son parrain étant alors son oncle, l’organiste François Couperin.
Originaires de Chaumes-en-Brie, les Couperin appartiennent à une des plus nombreuses familles de musiciens français des XVIIe et XVIIIe siècles. Comme nombre de ses collègues, François Couperin est tout naturellement destiné, dès sa naissance, à une carrière musicale. Le père de François Couperin, Charles (1639-1679), est le plus jeune frère de Louis Couperin et lui a succédé comme titulaire de l’orgue de l’église parisienne de Saint-Gervais. Il est également professeur de clavecin d’Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans.
François apprend la musique auprès de son père avant même de savoir lire et écrire. Il ne fait pas d’études générales et ses écrits resteront d’un style et d’une orthographe qui laissent beaucoup à désirer. Orphelin de bonne heure, il est déjà suffisamment doué pour qu’on lui assure la transmission de la charge de titulaire de son père à l’orgue de Saint-Gervais (dite aussi survivance), en la confiant temporairement à Michel-Richard de Lalande jusqu’à ce que le garçon ait l’âge et l’expérience requis.
Il se perfectionne auprès de Jacques Thomelin, organiste de Saint-Jacques la Boucherie et, surtout, l’un des quatre titulaires de l’orgue de la Chapelle royale de Versailles. C’est probablement par l’entremise de Lalande et de Buterne qu’il entre au service de Louis XIV.
Ses qualités de musicien le font hautement apprécier du souverain, et il est nommé l’un des quatre organistes (par quartier) de la Chapelle royale. Mais Couperin n’obtiendra jamais le poste de claveciniste du roi, que son talent aurait pu lui assurer. Ainsi, à la mort de Jean-Henry d’Anglebert c’est le fils de ce dernier, pourtant piètre musicien, qui en conserve la charge.
De santé fragile et de caractère peu mondain, Couperin mène une honnête carrière de musicien et de professeur, apprécié cependant des grands, aux yeux desquels seul Louis Marchand est de taille à rivaliser avec lui. Peu d’événements de sa vie personnelle sont notables, si ce n’est la disparition d’un de ses fils François-Laurent qui quitte le domicile paternel sans presque jamais y revenir. Ses deux filles sont elles-mêmes des musiciennes accomplies : Marie-Madeleine (1690-1742) a été religieuse et organiste à l’abbaye de Maubuisson, tandis que Marguerite-Antoinette (1705-1778) est devenue claveciniste de la Chambre du Roi. Vers la fin de sa vie, il abandonne progressivement ses diverses charges, notamment à la Chapelle royale et sa tribune à l’orgue de Saint-Gervais.
Couperin est avant tout, avec Jean-Philippe Rameau, le grand maître du clavecin en France au XVIIIe siècle, tant par la quantité de ses pièces que par leur qualité. Son œuvre comprend quatre livres divisés en un total de vingt-sept ordres. Les premiers ordres se rattachent encore, bien qu’assez librement, à la suite traditionnelle et comportent généralement un nombre de pièces important : jusqu’à vingt-deux pour le second ordre. Mais à partir du Second livre, toutes les références aux airs de danse disparaissent. Progressivement, Couperin y élabore un style qui lui est très personnel, fait d’une poésie discrète, d’une atmosphère élégiaque et d’une technique qui ne se laisse jamais dominer par la virtuosité ou les effets.
Malgré les années passées à tenir les orgues de l’église de Saint-Gervais et de la Chapelle royale, François Couperin — de manière aussi regrettable que nombre de ses confrères organistes — n’a laissé pour cet instrument que deux messes, œuvres de jeunesse, qui constituent néanmoins un des sommets du répertoire français classique.
Il décède à Paris le 11 septembre 1733 et est enterré au cimetière Saint-Joseph.